Steve Haldeman

Handicap et sexualité

Cybèle Lesperance, assistante sexuelle, que j’ai interviewé dans le cadre de cet article.

Handicap et sexualité

Vous pouvez lire l’article, ou le découvrir en version audio avec le lecteur ci-dessous. Il est également disponible en vidéo sur ma chaîne YouTube (lien dans le menu), et prochainement sur toutes les plates-formes de Podcast.

Préambule

En guise d’introduction à cet article, j’ai écrit une critique du film Hasta la vista, qui raconte les aventures de trois belges, trois jeunes en situation de handicap physique qui partent en excursion en Espagne, dans l’espoir de perdre leur virginité.
La lire sur mon site, ou l’écouter en podcast ou sur Youtube, avant d’aborder cet article n’est pas indispensable, mais cela pourra compléter les idées que je vais exposer.

L’article de la semaine comporte deux parties. Dans la première, je présente les enjeux spécifiques de la sexualité des personnes handicapées, et dans la seconde, j’interviewe Cybèle Lesperance, qui m’a fait le plaisir d’accepter mon invitation, et qui vous parlera de son expérience en tant qu’accompagnatrice sexuelle auprès de clients handicapés.

C’est quoi le handicap ?

Avant toute chose, il me paraît important de dresser un tableau des problèmes spécifiques que rencontrent les personnes handicapées, quand elles veulent avoir accès à la sexualité.

Le terme handicap regroupe un grand nombre de réalités différentes. En général, on distingue deux grands sous-ensembles. Le handicap mental, et le handicap physique, un peu comme si c’était deux mondes à part. Mais après une décennie passée à m’occuper d’enfants placés, je ne vois plus une frontière aussi nette entre ces deux mondes. Car le handicap physique aboutit parfois à des situations où il est difficile de dire d’emblée à quel genre de déficience on a affaire. Par exemple, face à un enfant qui ne parle toujours pas à quatre ans, on aura vite fait de penser que c’est parce qu’il a plus de mal que les autres. Il est difficile d’imaginer d’autres raisons de son retard, et pourtant ça n’a souvent rien à voir. Car parfois, les parents s’occupent tellement peu de leurs enfants que cela donne des résultats désastreux, à tel point que j’aurais été bien incapable d’imaginer dans quel état je pouvais récupérer les enfants, avant de les avoir vus moi-même.
Sans avoir autant d’expérience que moi dans ce domaine, il suffit d’écouter un sourd parler pour avoir l’impression qu’il est intellectuellement limité. Le fait d’apprendre qu’il est sourd change la donne, mais tant qu’on n’est pas au courant, ou qu’on est jeune et qu’on ne sait pas que son élocution est le résultat de son handicap physique, ou peut se demander s’il n’est pas plutôt déficient mental.
Par ailleurs, on peut avoir tendance à associer handicap mental et incapacité à raisonner comme les autres, mais c’est faux. Le handicap psychique, qui peut s’apparenter au handicap mental, est la conséquence de diverses maladies, comme la psychose ou les troubles bipolaires. Or ce type de handicap n’a pas d’impact sur le quotient intellectuel.

Ces précisions faites, je préviens que je parlerai peu des conséquences du handicap mental sur la sexualité. Tout bonnement parce que je ne connais pas assez ses spécificités. En revanche, si vous voulez en savoir plus, un lien vers un rapport de Farida Khames Chassot intitulé « Sexualité et handicap mental » vous attend en fin d’article.

Les conséquences sur la sexualité

 

 

 

Le handicap physique, c’est tout une palette de problèmes qui contrarient l’accès à la sexualité, des plus évident aux plus invisibles.

On a coutume de dire que nous sommes tous différents, et c’est vrai. Mais entre le dire et le saisir réellement, il y a souvent un pas. Or comprendre vraiment cela, et l’avoir à l’esprit constamment, est indispensable quand on parle de handicap.
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder un départ de 100 mètres pour les valides. On peut constater que les coureurs sont différents, et il n’est pas difficile d’imaginer que certains athlètes sont avantagés par leurs prédispositions génétiques. Mais quand on regarde le même départ aux jeux handisport, on s’aperçoit qu’il y a des différences bien plus marquées.
Mais au-delà de ce qui est visible, on peut citer tout ce qui ne l’est pas, et qui de ce fait est plus difficile à comprendre. Par exemple, le fauteuil roulant est un accessoire qui range leurs utilisateurs dans la case « ne peut pas marcher ». Or il y a de nombreuses différences entre bénéficiaires de tels fauteuils, à commencer par les raisons pour lesquelles ils se sont retrouvés dedans. Le handicap peut être temporaire, ce qui peut se voir quand on exhibe un plâtre, mais ce n’est pas visible quand il s’agit des suites d’un AVC par exemple. Et puis le raccourci « fauteuil = ne peut pas marcher » est faux. Par exemple, Vanessa Droz, que je devais initialement interviewer, m’a expliqué qu’elle peut marcher, mais elle privilégie le fauteuil parce qu’elle a peur qu’on la bouscule. Compte tenu de sa fragilité liée à la maladie des os de verre, c’est un risque qu’elle ne veut pas prendre.

Par ailleurs, et pour en venir au thème de l’article du jour, certains handicaps laissent imaginer que l’accès à la sexualité va être compliqué, comme lorsqu’il s’agit de tétraplégie. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne pourra pas y avoir de plaisir, tout dépend des personnes et de la sévérité de l’atteinte. En particulier, à l’image des aveugles qui se concentrent sur leur ouïe, certaines zones du corps peuvent développer une sensibilité décuplée, en remplacement des zones habituellement érogènes.
A côté de ceux qui sont évidents, il y a également énormément de handicaps plus ou moins visibles, qui peuvent être une gêne pour la sexualité.
– Les chimiothérapies peuvent contrarier l’accès au plaisir, en venant dérégler les équilibres hormonaux à la base de la sexualité.
– Les AVC ont aussi des conséquences sur la sexualité, dont on parle peu parce qu’on ne les voit pas. On s’attache souvent à la perte de mobilité, et à l’impact sur la capacité à parler. Mais les paralysies peuvent aussi toucher les fonctions sexuelles. C’est d’ailleurs un sujet abordé dans le film « Intouchables »
– Certaines maladies neurologiques peuvent également avoir des conséquences douloureuses ou simplement gênantes. Je connais une femme qui a longtemps eu mal au petit doigt de pied gauche à chaque fois qu’elle était sur le point de jouir. Cela peut faire sourire et même laisser incrédule pour celui qui n’est pas concerné, mais pour celle qui le vit, cela s’apparente à une malédiction.

La sexualité : pourquoi c’est compliqué quand on est physiquement diminué ?

Quand on n’est pas en pleine possession de ses moyens, il y a de très nombreuses raisons qui freinent l’accès à une sexualité, ou a une sensualité épanouissante :

– Tout d’abord, la société est formatée pour les standard physiques normaux. De la même façon que tout est conçu, dans la rue, pour la mobilité des gens en pleine possession de leur moyen, et que le handicap est prévu à la marge, c’est la même chose pour le sexe.
Par exemple, si vous entrez dans un sex-shop avec un corps aux proportions inhabituelles, vous ne trouverez rien à votre taille. Cela ne signifie pas que vous ne pourrez pas profiter de votre corps, mais vous aurez toujours moins de choix que les autres. Cela peut paraître secondaire, mais ajouté au reste, ça finit par compter.


– Le regard de la société est souvent un frein à une sexualité épanouie. Si vous possédez un corps normal, en pleine possession de ses moyens, vous provoquerez l’envie, le désir et l’excitation chez votre partenaire. Aussi frustrant et injuste que cela puisse paraître, ce sera plus compliqué si vous êtes une personne handicapée. C’est déjà gênant de ne rien provoquer, mais souvent, le sentiment qui apparaît, c’est la pitié. Or la pitié est un tue-l’amour très efficace. Certaines organisations ont la palme dans ce domaine, comme les églises des différentes religions par exemple, qui ont un rapport à la sexualité qui est déjà compliqué pour les valides.


– Les proches des personnes en situation de handicap sont également, parfois, un frein pour leur sexualité, en les surprotégeant, ou en leur imposant la gêne qu’ils éprouvent eux-même pour ces sujets. Ils peuvent également avoir peur qu’on abuse des faiblesses de leur parents ou enfants diminués. Or il est également difficile de jouir quand on se sent victime, ou qu’on se sent enfermé dans les préjugés de ceux qui s’occupent de nous. Il est d’autant plus compliqué, pour les handicapés, de s’extraire de ces schémas délétères, car ils sont l’expression de l’amour des proches, qui ne voient pas forcément où est le problème.


– Par ailleurs, les personnes handicapées sont parfois leur propres ennemis, car ils peuvent être amenés à rejeter de potentiels partenaires, par peur d’être rejetés eux-même. Et cela doit être d’autant plus difficile à vivre, que ça fait déjà très mal quand on est valide.


– Suivant les cas, les personnes en situation de handicap peuvent se fatiguer plus vite que la moyenne, ce qui est évidemment un frein à la sexualité.


– Enfin, les personnes handicapées peuvent être en recherche d’une sexualité la plus confortable et la plus sécurisante possible. Or ce n’est pas forcément le cas de tout le monde, en particulier quand on est adepte du BDSM, et de certaines de ses pratiques qui nécessite à la fois souplesse, endurance et résistance à la douleur. En conséquence, j’imagine que ça vient encore réduire le champ des possibles.

 

Évidemment, cette liste de freins n’est pas exhaustive. Cybèle Lesperance, à qui je vais maintenant donner la parole, va probablement nous en apprendre plus sur ces sujets.

 

 

Liens :

 

– Article sur le film Hasta la vista : https://stevehaldeman.com/hasta-la-vista
– Document PDF en ligne de Farida Khames Chassot intitulé Sexualité et handicap mental : https://ejid.name/files/601/4-sexualite-et-handicap-mental.pdf
– Le site de Cybèle Lesperance : https://cybelelesperance.com/
– La chaîne Youtube de Cybèle Lesperance : https://www.youtube.com/@CybeleLesperance
– Compte twitter de Cybèle Lesperance : https://twitter.com/elleestcybele
– Le site de l’APPAS : https://www.appas-asso.fr/


Notre site : https://stevehaldeman.com/

 

Notre histoire :

La série « Maître et soumise, leur histoire » est un double roman BDSM, raconté pour l’un du point de vue du maître, et pour l’autre du point de vue de la soumise. Elle se compose de 4 tomes dont 2 sont déjà parus :


Ma soumise, mon amour, Tome 1 (septembre 2022)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0BDMWCYR6/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494242002/

Mon Maître, mon amour, Tome 1 (juin 2023)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0C9H2GYK9/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494243009/

Ma soumise, mon amour, T2 sortira en décembre 2023
Mon Maître, mon amour, T2 sortira en juin 2024.

Ils sont également disponibles en version papier et e-book, dans toutes les bonnes librairies (en ligne ou en magasin) avec des couvertures différentes, les originales ayant choqué la morale.

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