Steve Haldeman

La vie risquée des auteurs d’érotisme

Auteurs et éditeurs cités dans l’article, de gauche à droite et de haut en bas : Jean-Jacques Pauvert, Pauline Réage, André Hardellet, Françoise Rey, Franck Spengler, Caroline Lamarche et Maryssa Rachel, l’interviewée de ce podcast.

La vie risquée des auteurs d'érotisme

Vous pouvez lire l’article, ou le découvrir en version audio avec le lecteur ci-dessous. Il est également disponible en vidéo sur ma chaîne YouTube (lien dans le menu), et prochainement sur toutes les plates-formes de Podcast.

Être auteur de récits érotiques, c’est prendre le risque d’être catalogué à la rubrique « pervers ». Or, la définition de pervers va de « quelqu’un dont la sexualité s’écarte de la normale », ce qui est déjà inquiétant pour la majorité des gens, à « quelqu’un qui est enclin au mal ».
Donc, à partir du moment où l’on écrit de l’érotisme, on est déjà affublé d’une aura sulfureuse. Alors si en plus l’auteur se spécialise dans les fictions BDSM, pratiques qui ont longtemps été répertoriées comme relevant de pathologies psychiatriques, c’est l’opprobre qui guette ! Et elle peut se manifester de bien des façons.

 

En premier lieu, cela concerne les enfants de l’auteur. Ils peuvent être la cible de moqueries, ou entendre des critiques de leur parent écrivain, uniquement parce que les écrits de ce dernier peuvent être perçus comme honteux, ou déshonorants.
Je suis père moi-même, et si je n’ai pas rencontré ce genre de problème parce que je fais attention à mon anonymat, du moins pour le moment, je me rends compte qu’un pseudonyme n’est pas toujours une protection suffisante pour un auteur, surtout quand il assure la promotion de ses écrits à visage découvert. Faut-il renoncer pour autant ? Je ne pense pas. La liberté d’expression est un droit extrêmement important, et si par hasard ma fille devait souffrir de ce que j’écris, alors je l’aiderais à affronter l’adversité. Je l’aiderais à comprendre qu’elle ne souffre pas du fait que j’ai écrit de l’érotisme, mais du fait que dans la vie, il arrive que l’on croise des personnes mal intentionnées, ou aux idées étroites. Je lui dirais qu’il faut apprendre à faire avec, qu’il ne faut pas renoncer à ses idéaux.

 

Dans notre entourage proche, d’autres peuvent se sentir perturbé par ce que nous écrivons. À titre personnel, je l’ai expérimenté avec certains membres de ma famille, même si je peux dire que j’ai bénéficié de réactions moins négatives qu’elles auraient pu l’être.
Lorsque je l’ai appris à mes parents, ils ont fait preuve d’ouverture d’esprit. Mon père, en particulier, est allé jusqu’à lire la première version de Ma soumise, mon amour, pour m’aider à la corriger.
Cela dit, et avec le temps, j’ai commencé à voir des réactions un peu plus mitigées, et je ne saurais pas dire exactement pour quelles raisons. Car à partir du moment ou la gêne s’installe, la communication se coupe, et l’on est plus vraiment en position de savoir ce qui pose vraiment problème.
Est-ce l’anticipation des réactions de leur voisinage, de leurs amis, des parents éloignés, ou de leurs relations professionnelles ?
J’ai toujours de bons rapports avec mes parents, mais je vois bien que mon statut d’auteur d’un roman BDSM n’est pas une situation qui les enchante particulièrement.

 

Au-delà de l’entourage proche, les écrits érotiques d’un auteur peuvent lui valoir des réactions épidermiques, plus ou moins violentes. Et s’il est bien une chose qui aggrave ce phénomène, c’est le poids des religions dans notre culture. En particulier, la morale judéo-chrétienne impose une forme de culpabilité et d’interdiction concernant tout ce qui touche au sexe. Dans certains milieux, ces traditions pèsent plus lourd qu’une chape de plomb.

L’évolution des risques

Les risques que courent les auteurs de romans ou récits érotiques ne datent pas d’hier. Mais dans l’histoire récente, une évolution importante des mœurs a eu lieu, qui a fait changer la nature des risques encourus.

En gros, avant le début des années 1980 et l’arrivée de la gauche au pouvoir, le risque principal était judiciaire.
L’éditeur Jean-Jacques Pauvert a été surveillé par la brigade des mœurs, et poursuivi par le Ministère public pour la publication des écrits de Sade. Il a également été inquiété lors de la publication du roman de Pauline Réage. Cependant, pour Histoire d’O, seule une enquête a été ouverte pour trouver la véritable identité de l’auteure, sans succès.
André Hardellet sera condamné en 1973 pour « Lourdes, lentes », bien qu’il l’ait publié sous le pseudonyme de Stève Masson. Cela l’affectera beaucoup.

À partir des années 1980, les risques changent de nature. La censure n’a plus le même visage. Comme me l’a expliqué Franck Spengler, qui m’a aidé pour cet article et qui connaît bien ces phénomènes en tant qu’éditeur, c’est plus un risque de déclassement social qui guette ceux qui se risquent à publier de l’érotisme. Et il y a également le danger de se couper de sa famille, qui est d’autant plus grand pour certains auteurs, en particulier les femmes. Il me semble qu’elles sont plus vite vilipendées pour leur audace que les hommes, de la même façon qu’on traitera différemment un séducteur, qui sera traité de Don Juan, alors qu’une séductrice sera qualifiée de salope. L’origine familiale joue aussi un rôle, comme le fait d’être de culture chrétienne intégriste, ou d’Afrique du Nord.

Quelques exemples

– Françoise Rey, auteure de « La femme de papier », paru en 1989, ne perdra pas son poste de professeur de français, mais elle aurait tout de même été impacté, en perdant des opportunités professionnelles.
– Caroline Lamarche, auteur éclectique, prix Goncourt de la nouvelle en 2019, m’a dit, lors de notre correspondance, qu’elle perdit une partie de son lectorat à la sortie des « Carnets d’une soumise de province ». Ses lecteurs, habitués à lire d’elle autre chose que de l’érotisme, ont probablement été choqué par son audace. J’ai écrit un article au sujet de son roman, dont le lien est en bas de page.
– Salomé, auteur du récit autobiographique « Soumise », se brouillera avec sa famille.

Dans un autre registre, il existe aussi le risque récent qu’un auteur soit pris à partie sur les réseaux sociaux. À ce titre, j’ai eu l’opportunité d’interviewer une consœur, Maryssa Rachel, qui a notamment écrit Outrages, publié aux Éditions Blanches. Je vous propose maintenant de l’écouter.

Je désirais préciser que dans le cadre de la préparation de cet article, j’ai contacté de nombreux auteurs. Et il m’est vite apparu évident que le sujet était compliqué à aborder pour un certain nombre d’entre eux. En particulier, une auteure d’origine maghrébine aurait voulu me parler des difficultés énormes qu’elle a rencontrées, mais elle a finalement renoncé à témoigner, de peur des conséquences.

 

Liens

 

Chaine Youtube de Maryssa Rachel :
https://www.youtube.com/channel/UCvWNmFQaBtnvAL62nSF62UQ

Instagram de Maryssa Rachel :
https://www.instagram.com/maryssa.rachel/?hl=fr

Facebook de Maryssa Rachel :
https://www.facebook.com/auteur.maryssa.rachel

 

Notre site : https://stevehaldeman.com/

Notre histoire :La série « Maître et soumise, leur histoire » est un double roman BDSM, raconté pour l’un du point de vue du maître, et pour l’autre du point de vue de la soumise. Elle se compose de 4 tomes dont 2 sont déjà parus :

Ma soumise, mon amour, Tome 1 (septembre 2022)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0BDMWCYR6/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494242002/

Mon Maître, mon amour, Tome 1 (juin 2023)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0C9H2GYK9/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494243009/

Ma soumise, mon amour, Tome 2 (décembre 2023)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0CQ3YG9T7/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494242029/
Mon Maître, mon amour, T2 sortira en juin 2024.

Ils sont également disponibles en version papier et e-book, dans toutes les bonnes librairies (en ligne ou en magasin) avec des couvertures différentes, les originales ayant choqué la morale.

 

Jingle du podcast : Track : Warsaw
Music by https://www.fiftysounds.com

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