Steve Haldeman

Enjeux d’amour, de Yo et Gaël

Enjeux d'amour, de Yo et Gaël

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Enjeux d’amour est un récit autobiographique paru en 1998, aux Éditions Blanche.

Ce livre, je l’ai lu dans des circonstances particulières.
C’est Franck Spengler (fondateur des Éditions Blanche) qui me l’a conseillé lui-même, au début de nos échanges. C’est lui qui l’avait édité, et il a pensé à m’en parler quand je lui ai précisé que Rose et moi écrivions un double roman, une histoire d’amour dans un cadre BDSM, narré de deux points de vue complémentaires.
Il y a pensé parce que le livre qui nous intéresse aujourd’hui est un récit qui donne également le point de vue de deux amants, un maître et sa soumise.
Rose et moi l’avons donc lu avec un grand intérêt, les histoires de ce type étant très rares.

Voici ce que j’en ai retenu.

Le récit

Enjeux d’amour raconte l’histoire qui lie Yo et Gaël. Alors qu’ils se connaissent depuis quelques années, une phrase de Yo va faire basculer leur relation à l’intime. Assez vite, leur relation va prendre une tournure BDSM, Yo se sentant attirée par le rôle de soumise, et Gaël construisant les scènes qu’il imagine pour eux.

Au fur et à mesure que l’on avance dans le livre, on découvre qu’ils expérimentent des pratiques de plus en plus extrêmes, au point de justifier pleinement la citation introductive de La Rochefoucauld, qui figure dans l’édition originale : « Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit. » Au cours de ces jeux, Yo et Gaël trouvent de la sensualité, et leur relation s’en trouve renforcée.

Au bout d’un moment, un troisième protagoniste vient aider Gaël à pimenter leurs ébats, qui est nommé Maître Patrick dans l’ouvrage. De mémoire ce n’est pas dit dans l’histoire, mais il s’agit de Patrick Lesage, dominant célèbre dans les milieux SM, qui a été cité dans bien d’autres romans, à l’image du Lien, de Vanessa Duriès, ou de Soumise, de Salomé.

Plusieurs choses m’ont plu dans ce livre.

La première, c’est qu’il est ouvertement et noblement pornographique. Les deux auteurs ne minaudent pas à faire de l’érotisme. Ils n’ont pas enrobé leur narration avec de l’esthétisme, qui revient souvent à éviter des mots qui pourraient paraître trop crus aux puritains. En appelant les choses par leur nom, ils facilitent la compréhension de ce qui se passe, qu’il est pourtant difficile de saisir si l’on n’a pas un peu d’expérience ou l’ouverture d’esprit nécessaire. Dans Enjeux d’amour, on parle d’aiguilles, de zoophilie ou de mise en scène de prostitution. Et les mots sont bien choisis pour que le lecteur comprenne quel plaisir le couple y prend, ce qui n’est pas facile quand on parle de ce genre de pratiques.

La deuxième chose qui m’a plu, c’est qu’effectivement, le livre est bien écrit à deux mains. Il ne s’agit pas d’un livre écrit avec les idées mélangées du couple. Certains passages sont de Yo, et d’autres sont de Gaël. Parfois ils décrivent tous les deux la même expérience qu’ils ont partagée, et l’on peut découvrir qu’ils n’ont pas toujours ressenti les choses de la même façon. Parfois le lecteur n’en découvre qu’une version. Mais à chaque fois, on ressent bien cette liberté qu’ils se sont accordée, de vivre pleinement leurs fantasmes. C’est très appréciable !

Le troisième aspect de ce livre qui m’a plu, c’est l’honnêteté des narrateurs par rapport aux enjeux propres au BDSM. On lit qu’ils doutent par moments, qu’ils se demandent si les séances qu’ils vivent ne vont pas les emmener trop loin. C’est le danger avec ce genre de pratiques. Quelle est la limite ? À partir de quand se met-on en danger ? Profiter de son corps et lui faire subir les stigmates du plaisir et de l’amour, ce n’est pas malsain, mais où se situe la limite à partir de laquelle c’est destructeur pour soi ? À partir de quand peut-on penser que les risques sont trop grands ? Ces questionnements ne sont pas éludés dans ce récit.

En revanche, il y a quelque chose qui m’a laissé dubitatif, et de multiples passages m’ont paru étonnants.
Ils parlent tous les deux d’amour, et cette idée est le fil conducteur de leur récit, une sorte de leitmotiv à l’origine de leur relation. Cependant, des petites choses ont fini par m’en faire douter.
En effet, le livre ne dit pas grand-chose d’eux, de leur vie quotidienne et de la façon dont ils se sont rencontrés. On sait juste qu’ils se connaissaient déjà depuis quelques années.
Au fur et à mesure que l’on avance dans le livre, on comprend qu’ils ne partagent pas de vie commune, et qu’ils ne vivent pas ensemble, même s’ils passent quelques congés ensemble. Mais comme leur situation n’est pas clairement expliquée, cela débouche sur un paradoxe. Car à aucun moment il n’est confirmé que le couple est libertin, ou bien illégitime, ce qui aurait pu fixer les choses, et qui aurait permis que je me concentre sur l’histoire, au lieu de me demander ce qu’il en était.
Par ailleurs, il est vrai que cette évocation d’un amour très fort s’est confrontée à ma propre conception de ce qu’est l’amour. Pour ma part, je ne peux l’envisager sans que ces sentiments soient le terreau d’une vie de couple, sans que cela débouche sur un partage de vie commune, des projets, des enfants, et des sentiments exclusifs, même si le libertinage est une pratique qui ne me rebute pas.
Bref, j’ai terminé la lecture de ce récit avec une impression d’inachevé que j’avais déjà ressenti avec d’autres œuvres du même type, à l’image des Carnets d’une soumise de province, de Caroline Lamarche, qui a fait l’objet de l’article précédent de la catégorie Idées de lecture.
J’aurais pu en rester là si je n’avais pas eu la chance de pouvoir contacter les auteurs.

Yo et Gaël

Via Franck, j’ai pu contacter Yo, avec qui le courant est vite passé.
Elle m’a confirmé l’une des suppositions que j’avais faites en lisant le livre, à savoir que le couple qu’elle formait avec Gaël était illégitime. Chacun avait sa vie par ailleurs, et si une partie de leur récit a été romancée, c’est pour pouvoir témoigner de leur expérience hors norme, tout en préservant ce secret.
Je ne dirais rien de cette situation. Certains condamnent l’adultère, je m’en abstiendrai. Et pour ceux qui veulent connaître plus en détail mon avis sur la question, je les renvoie à l’article que j’ai publié la semaine dernière : Amour et BDSM : séparés ou associés ?
En revanche, la confirmation que Yo et Gaël formaient un couple illégitime m’inspire une réflexion semblable à celle que j’ai expliquée à la fin de l’article concernant Les carnets d’une soumise de province.
La façon dont la littérature érotique peut être jugée par la société amène trop souvent les auteurs à se cacher, pour se protéger. Mais cette situation amène à un cercle vicieux. Car on a vite fait de croire que si l’on se cache, c’est que l’on fait quelque chose de mal.
Personnellement, j’ai fait la connaissance de Yo, et c’est une belle personne, très investie dans sa passion, son métier. Son récit, avec Gaël, n’a pas pour vocation principale d’exciter, c’est un partage avec le lecteur, une invitation à comprendre cette relation particulière, ces émotions, cette autre façon de découvrir notre humanité, dans toute sa complexité.
Merci à eux.

 

Notre site : https://stevehaldeman.com/

Notre histoire : La série « Maître et soumise, leur histoire » est un double roman BDSM, raconté pour l’un du point de vue du maître, et pour l’autre du point de vue de la soumise. Elle se compose de 4 tomes dont 3 sont déjà parus :

Ma soumise, mon amour, Tome 1 (septembre 2022)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0BDMWCYR6/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494242002/

Mon Maître, mon amour, Tome 1 (juin 2023)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0C9H2GYK9/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494243009/

Ma soumise, mon amour, Tome 2 (décembre 2023)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0CQ3YG9T7/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494242029/
Mon Maître, mon amour, T2 sortira en juin 2024.

Ils sont également disponibles en version papier et e-book, dans toutes les bonnes librairies (en ligne ou en magasin) avec des couvertures différentes, les originales ayant choqué la morale.

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