Steve Haldeman

Dolorosa soror, de Florence Dugas

Dolorosa soror, de Florence Dugas

Vous pouvez lire l’article, ou le découvrir en version audio avec le lecteur ci-dessous. Il est également disponible en vidéo sur ma chaîne YouTube (lien dans le menu), et prochainement sur toutes les plates-formes de Podcast.

Avant-propos : Cet article est le premier d’une série de trois dont voici les liens des deux suivants :

https://stevehaldeman.com/florence-dugas/

https://stevehaldeman.com/florence-dugas-conclusion/

Dans les deux premiers articles, j’affirme certaines choses à propos de l’auteur sur la base d’informations qui me paraissaient fiables. Mais finalement, ce n’est peut-être pas le cas. En conséquence, et pour corriger cette imperfection, le troisième article est purement factuel.

 

Dolorosa soror est un roman de Florence Dugas, sorti en 1996. On me l’a conseillé dans les années 2000, alors que je commençais la rédaction de la première version de Ma soumise, mon amour.

La quatrième de couverture le présente comme « un texte d’une génération, l’un des plus forts jamais écrits sur le sadomasochisme, traduit dans de nombreux pays et provoquant des réactions passionnées. » Il serait « un témoignage qui se situe au-delà de tous fantasmes par son caractère autobiographique. »

Ce roman m’a beaucoup plu, il est bien écrit, et il évite avec brio la banalité et les clichés. Comme le dit la présentation, il s’agit de sadomasochisme assez dur. Pour ne pas donner l’impression que j’encense l’œuvre, je dirais tout de même que l’auteur est de la vieille école. Celle qui aime les mots, les belles expressions, et ça prime parfois sur le fond. Aujourd’hui, les textes ont plutôt tendance à privilégier l’efficacité. Pour autant, ça reste accessible au plus grand nombre, du moins dans mon souvenir.

Il y a deux suites à ce roman, que je n’ai pas lues, L’évangile d’Éros, et Post-Scriptum.

Je ne m’étais plus intéressé à ce roman depuis que je l’avais lu. Cependant, et parce que je voulais faire un article dessus, j’ai fait quelques recherches. Et j’ai découvert plusieurs choses.

D’abord, Florence Dugas est le pseudonyme de Jean-Paul Brighelli, un enseignant et écrivain, apparemment connu pour ses critiques de l’Éducation nationale, et auteur du livre La fabrique du crétin.

Je n’ai rien contre le fait qu’il ait choisi un pseudonyme féminin. Un pseudonyme peut être choisi pour tout un tas de raisons, que le lecteur n’a pas forcément à connaître. Et puis écrire un roman, c’est en quelque sorte vivre une autre vie, et je conçois aussi qu’on puisse choisir un nom de plume qui puisse favoriser cette impression.

En revanche, ce choix de pseudonyme féminin devient compliqué quand on présente son texte comme autobiographique, ce qui est le cas de Dolorosa Soror. Car c’est l’histoire de Florence, et de ses tribulations sadomasochistes avec JP, initiales qui résonnent tout de même singulièrement avec le prénom véritable de l’auteur, Jean-Paul. C’est donc une imposture.

Lire une autobiographie permet de se plonger dans la vie de quelqu’un, et de trouver des solutions sur des difficultés qu’on peut rencontrer soi-même. C’est aussi la possibilité de se forger un avis, une opinion à partir de l’expérience de l’auteur. On achète le livre en partie pour ça, mais avec Dolorosa soror, on est trompé.

Pourquoi mentir ?

Le mobile, c’est souvent l’argent. J’imagine que les œuvres déclarées autobiographiques se vendent mieux, pour les raisons précédemment exposées. Mais cette malhonnêteté peut provoquer la défiance des lecteurs à l’avenir.

Qui a menti ?

L’auteur ? Assurément. Comment pourrait-il en être autrement ? D’autant que Jean-Paul Brighelli a probablement récidivé en 2004 avec Les patientes, carnets secrets d’un psychanalyste, un livre que j’ai lu également, écrit sous le pseudonyme de Hugo Trauer. À ce propos, autant je ne m’étais pas posé de questions pour Dolorosa soror, autant j’avais eu des doutes pour celui-ci. Du moins, il m’était apparu éthiquement discutable d’exposer la vie des patientes masochistes d’un psychiatre, sauf à avoir préalablement recueilli leur consentement. Est-ce inspiré d’histoires réelles ? Ce Hugo Trauer est-il l’évocation d’un psychanalyste qui aurait réellement existé ? À moins que tout ne soit totalement inventé ?

L’éditeur était-il de mèche ? J’ai du mal à croire qu’il n’ait pas été au courant. D’autant que la supercherie a été savamment orchestrée. Sur Youtube, on peut voir une vidéo d’une interview datée de 1996, par Thierry Ardisson, d’une jeune femme présentée comme Florence Dugas.

Qui est à la manœuvre ?

Je pense que l’auteur aurait dû écrire ce texte sans mentir, cela le décrédibilise et ça décrédibilise tous ceux qui sont susceptibles d’écrire des récits analogues, qui seraient réellement autobiographiques, et qu’on pourrait ne plus croire. Le mensonge n’est jamais une bonne chose. En particulier en littérature, c’est susceptible d’induire une culture viciée chez les lecteurs. Cela fait du tort, peu importe quelles aient été les raisons de l’auteur.

Qui est l’auteur ?

Jean-Paul Brighelli a passé quarante-cinq années de sa vie à enseigner, et son engagement en faveur de l’éducation me font douter. J’ai du mal à croire que cet homme, fait chevalier de la Légion d’honneur, se soit abaissé à cette manipulation pour des raisons bassement matérielles. Qui plus est, je suis également étonné que Franck Spengler, son éditeur, ait été complice de cela, lui que je tiens en haute estime aussi bien à titre personnel que pour son engagement en faveur de la liberté d’expression.

Je reste persuadé qu’au moins une personne a fait une faute morale dans cette affaire. Afin d’en savoir plus, je vais envoyer un courrier aux éditions blanches, pour pouvoir exposer ici la version de ces deux hommes s’ils le désirent. Si cet article parait avant que je reçoive une réponse, je ferai en sorte de le modifier pour l’intégrer. Si c’est ultérieur, je compléterai l’article par le biais des commentaires.

Cela dit, je veux aussi relativiser. Si, pour moi, il y a faute, il n’y a pas non plus mort d’homme. Il m’est arrivé à moi aussi de prendre de mauvaises décisions dans ma vie. Sous pression, parce que l’on est passionné, pour donner un coup de pouce au destin, ou pour d’autres raisons, on fait parfois des entorses à la morale. C’est le genre de chose qui peut arriver à tout le monde.

En tous les cas, je trouve dommage que ce livre soit entaché par ce mensonge, parce qu’il est de qualité. Ce n’est pas un roman autobiographique, mais c’est un bon roman. Je vous le conseille donc malgré tout. Simplement, lisez-le en connaissance de cause.

!!! Complément important !!!

J’ai écrit cet article début février 2023, pour une publication prévue sur mon site internet début avril.

Comme je l’ai annoncé précédemment, j’ai essayé de contacter Jean-Paul Brighelli et Franck Spengler.

J’ai obtenu une réponse du second quelques jours plus tard, qui me permet d’affirmer dès maintenant que j’ai été trompé. Florence Dugas n’est pas le pseudonyme de Jean-Paul Brighelli. C’est une personne à part entière, qui existe bel et bien !

La réponse de Monsieur Spengler a mis en lumière une de ces mystifications involontaires auxquelles la propagation d’informations non vérifiées peut aboutir. Comme je me serais fait avoir moi aussi si je n’avais pas reçu de réponse, j’ai décidé de publier cet article malgré tout, en ne lui adjoignant que ce complément. C’est un bon exemple de ces erreurs virales qu’internet peut véhiculer, et je ne suis pas du genre à renier mes erreurs.

Si j’ai décidé de le publier tel quel, c’est aussi parce que la réponse de Monsieur Spengler a eu un autre effet. Elle m’a lancé dans une enquête pour comprendre d’où était partie une telle désinformation. Ce que j’ai découvert m’a montré que, parfois, il ne faut pas se limiter à compléter un article avec des commentaires. Je vais donc rédiger un deuxième article afin de vous parler en détail de cette affaire peu banale, extraordinaire en vérité, puisqu’on en est arrivés à croire qu’une auteure n’existe pas !

Il paraîtra la semaine prochaine.

 

Liens :

Vidéo Youtube de l’interview de Florence Dugas par Thierry Ardisson : https://www.youtube.com/watch?v=fTxqMKE4rec

Article wikipedia de Jean-Paul Brighelli : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Brighelli

 

Notre histoire :La série « Maître et soumise, leur histoire » est un double roman BDSM, raconté pour l’un du point de vue du maître, et pour l’autre du point de vue de la soumise. Elle se compose de 4 tomes dont 2 sont déjà parus :

Ma soumise, mon amour, Tome 1 (septembre 2022)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0BDMWCYR6/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494242002/

Mon Maître, mon amour, Tome 1 (juin 2023)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0C9H2GYK9/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494243009/

Ma soumise, mon amour, T2 sortira en décembre 2023
Mon Maître, mon amour, T2 sortira en juin 2024.

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