Steve Haldeman

Comment corriger un roman

Comment corriger un roman

Vous pouvez lire l’article, ou le découvrir en version audio avec le lecteur ci-dessous. Il est également disponible en vidéo sur ma chaîne YouTube (lien dans le menu), et prochainement sur toutes les plates-formes de Podcast.

La correction d’un roman est un travail très chronophage, et avec le temps, j’ai découvert que c’était plus complexe qu’il n’y parait de prime abord. Plus complexe, plus intéressant, et très satisfaisant en fin de compte.

Dans cet article, je vais vous parler plus particulièrement des corrections qu’on qualifie souvent d’orthographiques, mais qui sont en réalité plus larges.

Avant cela, il me paraît essentiel de préciser le sens du mot correction, et de l’ancrer dans le processus global de création littéraire. Je peux vous dire qu’à titre personnel, et avec l’expérience, j’ai tendance à m’organiser en sept étapes distinctes quand j’écris un livre.

Le décor

Tout d’abord, je construis l’environnement dans lequel mon histoire va se dérouler. Pour Dominant, le titre initial et temporaire de Ma soumise, mon amour, cela m’a pris peu de temps. Le livre se déroule en France, essentiellement à Paris et en région parisienne, de nos jours, et dans des lieux que je connais bien. L’établissement des fiches personnages a été très rapide, notamment parce que je voulais rester volontairement flou. Il m’importait de ne pas brider l’imagination des lecteurs en donnant trop de détails sur leur physique. Au fur et à mesure que j’ai avancé dans l’histoire, j’ai continué à enrichir un peu ce contexte avec des plans, pour l’habitation de Marc par exemple. Mais en tout et pour tout, cela a dû me prendre deux ou trois jours, pas plus.

En revanche pour mon roman de science-fiction, dont la date de parution n’est pas encore déterminée, la construction d’un monde cohérent m’a pris deux ans. Deux années de travail à y penser tous les jours, et à construire dans les moindres détails tout ce qui pouvait donner de la substance à mon histoire. Géographie galactique, planètes, bestiaire, chronologies historiques, cartes, espèces, us et coutumes, divertissements, véhicules et objets du quotidien, personnages, fichier des noms adaptés à chaque ethnie, tableaux des calculs et des conversions, etc. Je n’avais pas commencé à rédiger mon histoire que j’en avais déjà écrit 500 pages.

Le plan

L’étape suivante c’est le plan. C’est une étape que j’estime très importante, mais il est vrai que son intérêt dépend aussi de l’histoire que vous écrivez. Pour Dominant, en deux heures j’avais quelque chose de suffisant pour commencer. Cela dit, je pensais à écrire cette histoire depuis longtemps. J’avais donc déjà une bonne idée de ce que je voulais faire.

En revanche, et de la même façon que pour le décor, le plan de mon roman de science-fiction était millimétré. Il faisait 60 pages.

La rédaction

Au cours de cette étape, j’estime qu’il ne faut pas se censurer. J’ai tendance à intégrer toutes les idées qui me passent par la tête, du moment que c’est cohérent avec le plan que j’ai choisi de suivre. C’est à ce moment-là que l’imagination est aux commandes et que la créativité s’exprime le plus.

Il arrive, en fonction de l’évolution des personnages, que j’introduise des modifications mineures dans le plan décidé auparavant, mais c’est rare.

Quand le dernier mot est écrit, alors commencent les différents types de correction.

Les corrections sur le fond

C’est lors de ces premières relectures que je traque les incohérences de l’histoire. En général il n’y a pas de grosses erreurs, car pendant la période de rédaction, avant de m’y remettre, je relis toujours ce que j’ai écrit la veille. Mais il peut rester des petites choses. C’est à ce moment-là qu’il faut traquer les changements de couleur de cheveux des personnages, les confusions dans les agendas, et au-delà de ces broutilles, je vérifie que le comportement de mes personnages reste globalement cohérent. Il faut qu’ils aient la même façon de parler, et qu’on n’ait pas l’impression qu’ils changent soudain de façon d’être sans que ce soit justifié par l’histoire.

Les erreurs se glissent souvent dans des endroits inattendus. Par exemple, lors du tout début de Ma soumise, mon amour, j’avais aéré un dialogue en mettant mes personnages devant une tasse de café. C’était efficace, mais en relisant, je me suis aperçu qu’ils passaient à table à la page suivante…

C’est aussi à ce moment-là qu’il faut être sans pitié avec soi-même. La plupart du temps, j’aime ce que j’ai écrit. Mais quand un passage ne sert à rien, il faut être capable de s’en apercevoir et de le virer, même si on est très fier de la formulation et que l’idée était bonne. Un passage qui ne sert pas l’histoire n’a rien à faire dans votre roman !

Les corrections sur le style

Quand l’histoire tient bien la route et qu’elle est expurgée des problèmes de fond, vient le moment d’en améliorer le style. C’est un travail complexe, qui nécessite plusieurs relectures, afin d’enlever les expressions ou des façons de parler trop lourdes, ou vides de sens.

À titre personnel, c’est un des domaines où j’ai le plus de mal, et où les compétences de l’auteur atteignent ses limites. On est souvent content de ce qu’on a écrit, et il est difficile de se juger soi-même.

Personnellement, j’ai tendance à faire des phrases à rallonge, à utiliser beaucoup d’adverbes, même si je me suis beaucoup amélioré, et puis j’ai un vocabulaire qui m’appartient, et qui n’est pas toujours adapté au lectorat qu’on vise.

Lors de cette phase de correction, il n’est plus question de se faire plaisir à soi-même. C’est vraiment pour ceux qui vont nous lire qu’on travaille. Et déjà, il peut être utile de faire appel à des bêta-lecteurs. Choisissez-les avec soin. Il est préférable que vous demandiez cela à quelqu’un qui ne vous connaît pas, et qui pourra être objectif, parce qu’il n’y aura pas d’affect entre vous. Et n’ayez pas peur de vous en prendre plein la figure ! Si quelqu’un prend le temps de lire gratuitement votre livre, c’est qu’il le fait pour vous aider, pas pour vous enfoncer.

Les corrections dites « orthographiques »

Ces corrections ne sont pas qu’orthographiques, évidemment. Et suivant la cible que vous voulez toucher, vous avez intérêt à y faire particulièrement attention.

Tout dépend de ce que vous écrivez. Si c’est de la poésie, des textes exigeants, des réflexions philosophiques, ou un récit historique, il y a peu de chance qu’on vous pardonne une faute à chaque page.

Et c’est là toute la difficulté. Car un romancier, c’est quelqu’un qui a surtout le don d’imaginer une histoire, qui a du talent pour ça. Mais ce n’est pas forcément quelqu’un qui a une orthographe irréprochable. Parmi les écrivains, il y a des gens qui n’auront besoin que d’un peu d’aide pour améliorer leur ponctuation. Mais la majorité, même les plus connus, ont besoin de se faire aider plus que ça.

Personnellement, j’ai une bonne orthographe. Je ne suis pas irréprochable, bien sûr, mais j’ai beaucoup lu, et ça m’a aidé de ce point de vue. En revanche, j’ai une grammaire médiocre. Je n’en suis pas fier et j’essaie de m’améliorer, mais j’avais décidé dès le primaire que cette gymnastique intellectuelle ne me plaisait pas, et qu’elle ne me servirait pas plus que ça dans la vie. À 10 ans, on prend parfois des décisions stupides, qu’on paye ensuite toute sa vie.

J’imagine que cela se voit dans les articles que je publie. Car même si je me relis, et que je sollicite de l’aide pour ça, je n’ai pas les ressources nécessaires pour m’y consacrer davantage. Il faudrait d’ailleurs que j’investisse dans un logiciel de correction grammaticale plus avancé. Je vais y penser.

En revanche, il me paraissait impensable de publier un livre payant qui ne serait pas irréprochable de ce point de vue. J’ai donc fait le nécessaire, je vais en parler plus en détail un peu plus loin.

Les corrections de mise en page

Ces corrections-là, je n’en connaissais pas grand-chose, mais elles sont essentielles si vous voulez proposer à vos lecteurs une expérience de lecture agréable. Un bon livre, mal mis en page, c’est un désastre.

Le bon placement des sauts de ligne, des tirets quadratins, le bon formatage des heures, des dates, des incises, des coupures de mot, des tirets et espaces insécables, tout cela contribue à une lecture fluide et agréable. Et s’il ne s’agissait que de cela !

Je ne vais pas m’attarder sur ce travail, mais il vaut largement le coup qu’on y fasse scrupuleusement attention, pour donner le meilleur écrin possible à votre création.

Maintenant que j’ai dressé un tableau rapide de ce que sont les corrections, je peux vous en dire un peu plus sur la façon dont j’ai géré les miennes. Cela pourra peut-être vous aider à prendre les bonnes décisions, si vous vous lancez vous aussi dans cette belle aventure !

Comment j’ai corrigé mes romans

Quand il a fallu que je corrige mon premier roman, je n’étais pas aussi organisé que je viens de le dire, et l’écriture ne représentait qu’une activité secondaire. C’était un passe-temps envahissant, mais je n’avais pas encore la démarche professionnelle que j’ai aujourd’hui.

J’ai donc passé une bonne année à reprendre le texte, aussi bien sur le fond que sur la forme. Puis je l’ai imprimé et l’ai envoyé aux maisons d’éditions. Nous étions alors en 2011.

Mon épouse m’avait aidé à corriger les fautes de grammaire et de conjugaison, et mon père aussi. Dans la mesure où ils sont tous les deux bons dans ce domaine, je m’étais dit que ça pouvait suffire, et que mon manuscrit ne devrait pas se faire remarquer à cause des fautes restantes.

Comme je l’ai déjà expliqué dans l’article introductif à la catégorie « Publication et marketing d’auteur », je n’ai pas eu de réponse positive, mais mon roman a été lu. Et manifestement, sa qualité a été suffisante pour qu’on ne me fasse pas de remarque au sujet de l’orthographe. Frank Spengler me l’a confirmé au téléphone.

 

Bien plus tard, quand je me suis de nouveau occupé de publier mes écrits, j’ai choisi de me tourner vers l’auto-édition. Cette solution me plaît parce qu’elle me permet d’être aux commandes du projet de A à Z, et que je suis curieux de tous les métiers qu’il faut connaître et maîtriser pour se publier soi-même.

À cette occasion, s’est alors reposée la question des corrections, normalement dévolue aux maisons d’éditions à compte d’éditeur.

Même si les Éditions Blanche n’avaient pas été rebutées par les fautes qu’il restait probablement, son métier consistait aussi à gérer cet aspect, raison pour laquelle personne, de toute façon, ne m’aurait reproché mes imperfections grammaticales. Il fallait donc que je redouble d’efforts dans ce domaine.

 

Reprenant mon texte, je me suis aperçu qu’il restait en effet un paquet de fautes et de coquilles que je n’avais pas vues. Et quand je dis un paquet, ce n’est pas forcément quatre fautes à la ligne, mais trop pour essayer de le vendre en l’état.

J’ai toujours estimé qu’un livre proposé à la vente doit être irréprochable de ce point de vue. En tant qu’auteur, j’avais donc l’obligation morale d’être à la hauteur du lecteur exigeant que j’étais. Je n’avais d’ailleurs pas l’impression d’être exigeant. Cela me paraissait normal qu’il n’y ait aucune faute, tout simplement.

 

Ayant des doutes, même après des centaines d’heures de relecture, je suis allé sur MALT, un site internet où l’on peut trouver des freelance, pour y faire une expérience.

J’ai déposé un projet de correction, en demandant aux personnes qui m’ont répondu de faire un test sur le premier chapitre de mon roman, pour voir s’il y avait vraiment beaucoup de fautes restantes. Je leur ai indiqué honnêtement que, en fonction du résultat, je choisirai ou non de faire appel à l’un d’eux.

J’ai reçu une petite dizaine de réponses, avec des résultats variables, certains trouvant beaucoup plus de fautes et de coquilles que d’autres.

Parmi les postulants, une personne en particulier m’a permis de me décider. Le professionnalisme de cette jeune femme, bluffant, m’a permis de comprendre plusieurs choses.

 

D’abord, des fautes, il en reste dans tous les livres. Le but n’est pas de les éradiquer toutes, mais d’en laisser suffisamment peu pour que les gens ne les voient pas, ou les excusent.

Mon manuscrit, même si ce n’était pas un torchon, était bien trop imparfait, du moins à mon goût. Il fallait donc que je lui offre un lifting qui mette en valeur son histoire.

Et surtout, j’ai compris qu’il est très difficile de corriger son livre soi-même. Parce que c’est un métier à part entière. Cela demande une concentration dont je m’étais déjà aperçu, mais pas suffisamment. Quand je corrigeais mes écrits, j’avais déjà vu qu’au-delà des deux premières pages, ma concentration avait tendance à s’émousser, et progressivement, la correction se transformait en lecture. Or les deux tomes de Ma soumise, mon amour font presque 500 pages A4 !

Et puis quand on lit un texte, ce dont on n’a pas conscience, c’est que l’on ne lit pas vraiment tous les mots. Notre cerveau a l’habitude de certaines tournures de phrases, qu’il reconnaît ensuite sans se pencher sur chacune des lettres. Donc vous pouvez parfaitement lire  » Je ne sais pas où tu en es » à la place de « Je en sais pas où tu en es », et passer plusieurs fois sur cette phrase sans voir qu’un e et un n sont inversés. C’est d’autant plus vrai quand il s’agit d’un texte que vous connaissez par cœur parce que vous l’avez écrit, et parce que vous l’avez déjà relu tant de fois !

 

Cette correctrice m’a donc convaincu que je devais passer par un professionnel, mais ce n’était pas aussi simple à dire qu’à faire. Car passer par un pro, c’est devoir le payer. Or les tarifs des pros sont variables. Et j’ai vu une personne, parmi celles que j’ai sollicitées, me proposer un devis à 1700 euros, alors qu’elle n’avait trouvé que très peu de fautes.

En plus, il se pose vite une difficulté supplémentaire. Si vous faites appel à un illustrateur pour dessiner la couverture de votre roman, vous pouvez juger de son travail. Mais quand vous faites appel à quelqu’un pour corriger votre roman, c’est précisément pour traquer des fautes que vous n’êtes pas capable de repérer vous-même. Alors comment être sûr de la qualité de son travail ?

De plus, les tarifs peuvent vite monter, et c’est justifié par le talent et le temps passé. Les propositions qu’on m’a faites allaient jusqu’à 4000 euros, pour le premier tome.

Vous êtes prêt à dépenser 4000 euros pour un travail que vous n’êtes pas capable de vérifier ? En plus, les statistiques montrent qu’un premier roman sera une réussite commerciale si vous en vendez 500 exemplaires, et que les réussites sont des exceptions. Cela n’arrive que pour un petit nombre des 70.000 nouveaux titres qui paraissent chaque année. Seriez-vous prêt à investir une somme que vous n’avez presque aucune chance de rentabiliser ?

 

En fin de compte, j’ai fait un compromis et j’ai choisi d’investir malgré tout dans ma passion, convaincu que mon roman le valait. J’ai choisi une jeune correctrice très talentueuse, qui est créditée sur chacun de mes livres. Et je ne le regrette absolument pas ! Elle a su me rassurer sur ses capacités, nettement au-dessus de la moyenne des correcteurs que j’ai sollicités, et l’avenir dira si j’ai une chance de récupérer mes billes.

 

Afin de creuser ce sujet, je vous conseille deux vidéos, une de Christelle Lebailly, dont je vous ai déjà parlé. Je vous en propose également une autre, de Michael Bielli. Il a un côté jeune qui fait son cinéma, et parfois c’est un peu agaçant, mais son expérience est intéressante.

 

– Vidéo Youtube de Christelle Lebailly intitulée Comment corriger son manuscrit : https://www.youtube.com/watch?v=MBV912zwSNY&t=173s

– Vidéo Youtube de Michael Bielli intitulée Ma pire erreur en auto-édition : https://www.youtube.com/watch?v=ZEtcwISeCwc

 

Mon livre : Ma soumise, mon amour, T1

version numérique : https://www.amazon.fr/dp/B0BDMWCYR6/

version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494242002/