Steve Haldeman

Le questionnaire de soumission

Le questionnaire de soumission

Vous pouvez lire l’article, ou le découvrir en version audio avec le lecteur ci-dessous. Il est également disponible en vidéo sur ma chaîne YouTube (lien dans le menu), et prochainement sur toutes les plates-formes de Podcast.

Le questionnaire de soumission est un moyen utilisé entre dominants et dominés pour faire connaissance, en particulier pour aider à la mise à nu de ces derniers. Il n’a rien d’obligatoire, bien entendu, et je ne saurais dire à quel point il est utilisé, mais c’est un sujet qui est souvent abordé dans les médias spécialisés, et au sein de la communauté BDSM, d’où mon désir de vous en parler aujourd’hui.
Par le passé, je n’ai jamais constaté d’allusion au questionnaire de soumission dans la littérature BDSM, du moins pas que je me souvienne, et c’est en partie ce qui m’a amené à le faire dans Ma soumise, mon amour. Cela dit, récemment, j’ai lu le premier tome de Cinquante nuances de Grey, au sujet duquel j’ai écrit un article, et s’il n’est pas fait mention d’un tel questionnaire, les négociations qui ont lieu entre Anastasia et Christian Grey autour des pratiques qu’elle envisage d’accepter, s’apparentent vaguement à ce qu’un questionnaire de soumission peut initier comme discussion.
En tous les cas, dans les relations D/s (Domination/soumission), je trouve que ce document a bien des vertus.

Qu’est-ce que c’est ?

Des questionnaires de soumission, il en existe plusieurs, mais puisque je me suis inspiré d’un d’entre eux pour écrire Ma soumise, mon amour, j’aime autant vous parler de lui. Et parce que le document est bien introduit, par quelqu’un de qualité qui sait manifestement de quoi il parle, je vais vous en mettre ici sa version expliquée par ses soins.

Mon avis

Les propos introductifs de Valmont sont intéressants à plus d’un titre. La notion de consentement est bien présente, et il explique que le document n’a pas vocation à servir d’interrogatoire autoritaire, mais qu’il doit servir de base à des discussions enrichissantes pour les deux parties.
Qui plus est, il précise une chose que je n’ai pas toujours retrouvée ailleurs. Le questionnaire peut être rempli aussi bien par la personne soumise, que par la personne dominante, afin que chacun d’eux soit à même de savoir quel est le profil de celui ou celle avec qui il s’engage. Ce n’est pas toujours le cas, car le décorum des relations de domination invite à ne le faire remplir que par les dominés, afin d’introduire déjà le cadre cérébral de la relation. Et ce n’est pas grave à partir du moment où les échanges ont bien lieu.

Puis vient la liste des activités au sujet desquelles il faut se mettre à nu. Elle est longue, et j’avoue que quand je l’ai découverte, elle m’a fait sourire à plusieurs reprises. Cela dit, elle peut aussi atterrer les plus pudiques.
Quand j’ai écrit le passage de Ma soumise, mon amour, au cours duquel Marc découvre le questionnaire que Charline a rempli, j’avoue que j’aurais aimé en dire plus, mais cela aurait alourdi le roman.
Aujourd’hui, dans cet article, je peux vous dire que l’intitulé de certaines pratiques m’a amusé, alors que d’autres m’ont laissé dubitatif. Et comme dans cet article je peux m’étendre, je vais faire la liste des points qui ont retenu particulièrement mon attention. Je vous invite d’ailleurs à en faire autant et à publier les résultats en commentaires, ce pourrait être amusant.

 

Abrasion : La première fois que j’ai lu le questionnaire, l’image qui m’est venue à l’esprit, c’est moi avec du papier de verre dans la main, me demandant bien ce que je pourrais en faire. En plus, j’avais l’habitude de m’en servir pour poncer des joints de plaque de plâtre, et l’image n’était pas très sexy. Puis j’ai lu La jument, d’Esparbec, au sujet duquel j’ai écrit un article. Au début de la deuxième partie, on peut y lire que Mélanie, pour se préparer à une orgie, se ponce les jambes. Tout de suite, j’ai trouvé cela beaucoup plus érotique.
Le fait est que les pratiques d’abrasion, si elles n’ont jamais emporté mes suffrages, peuvent paraître tout de même excitantes, avec un peu d’imagination.

 

Couper, ou se faire couper : Cet énoncé m’a laissé froid, je dois bien le dire, mais parmi mes contacts sur Facebook, j’ai le plaisir de compter Victor-Pierre Alexandre. Très porté sur ces pratiques, il m’a fait le plaisir de partager avec moi son expérience, et m’a autorisé à publier ce qu’il m’a dit. Je le remercie pour le temps qu’il y a passé, et je vous transmets ses mots tel quels, pour ne rien ôter de leur force.

Bonjour 🙂
Il y a un commencement à tout, et le mien a été le 29 octobre 1989… accident de voiture, terrible choc, atroces douleurs.
Je me rappelle cette date parce qu’elle est inscrite dans mes chairs, et que la douleur que j’ai connue est encore aujourd’hui, un souvenir douloureux.
Pour résumer : trauma crânien avec fissures temporales, trauma thoracique avec 9 côtes cassées, trauma abdominal avec éclatement de la vessie, cytolyse hépatique, reins touchés, tendons d’Achille arrachés, genou gauche écrasé, poignet gauche déboité, 27 points de suture sur le visage, sinus enfoncé, un morceau du pare-brise fiché dans la cavité orbitale gauche, juste au-dessus de mon œil.
2 mois en réa.
Ah, j’oubliais : 7 vertèbres au niveau des lombaires, déplacées vers l’avant, inopérables.
120 séances de rééducation.
5 ans de procédures judiciaires…
Ces douleurs, je m’en suis fait une force, MA force pour ne pas oublier.
Avec ma petite copine de l’époque, quelques mois après l’accident, nous avons exploré (sans connaître ni savoir ce qu’est le BDSM) les relations sexuelles par la douleur.
Je voulais retrouver cette douleur qui m’avait abandonné par la guérison.
Pas dans un sens maso, mais plutôt dans celui sadique.
Nous avons commencé par des strangulations, des coups avec toutes sortes d’objets sortis de la cuisine. On est allés jusqu’à des chutes dans les escaliers pour se faire vraiment mal et ensuite baiser comme des fous, tordus par les douleurs.
Puis vinrent les sorties parisiennes où là, j’ai pu mener d’autres expériences…
J’ai rencontré 3 dominas qui m’ont appris par l’expérimentation, ce que je fais maintenant. Tout ce que je pratique, je l’ai expérimenté sur moi. Je ne suis pas comme ces dom qui n’ont strictement rien fait sur eux et qui croient transmettre quelque chose. Foutaise et mensonge cette soit-disant transmission. Pour transmettre, faut connaître. C’est comme parler d’un film que l’on n’a pas vu, c’est con !!
Je suis passé au travers de plusieurs mondes : les crochets et suspensions, l’uro, le scato, les aiguilles, le bondage, le shibari, les fouets, les martinets, les divers impacts avec toutes sortes de trucs, l’impression de noyade avec des serviettes mouillées sur le visage, l’électro-stimulation, les sondes urétrales… Bref, un sacré panel d’expériences.
Tout ça pour m’amener à ce que je fais aujourd’hui.
Pourquoi le bloodplay ?
Le sang, tout le monde en est fasciné, et aussi l’a en horreur
Il fascine parce que sans lui, pas de vie. Et l’horreur ? Mais parce que sans lui, pas de vie non plus.
Sa couleur d’abord… Quelle beauté!!
Sa chaleur qui le rend si fluide.
Son goût métallique riche de tellement de choses essentielles à la Vie.
J’aime être au plus proche de mes « sujets », sentir leur inquiétude par l’odeur de leur sueur. Voir les tremblements de leur corps.
Dès qu’ils voient les couteaux ou les scalpels, un monde chavire, on bascule dans le mien.
Évidemment je fais ça d’une façon raisonnée, et pas comme un psychopathe 😉
J’ai une parfaite connaissance du corps humain et de ses limites en fonction de l’âge, du poids, et aussi du sexe du sujet.
Je suis en perpétuelle écoute des réactions du corps: rythme cardiaque, transpiration, respiration, dilatation des pupilles ou pas, tremblements des membres…
Tout ça, c’est important.
Je suis aussi en communication permanente avec le sujet. Je tiens à ce qu’il réponde à mes questions.
Les plaisirs que j’éprouve ne sont pas d’ordres sexuels (sauf avec certaines personnes qui me sont proches ou ma compagne par exemple) mais d’ordre cérébral.
Je me sens bien à faire ce que je fais, c’est pour moi comme faire une thérapie et sortir de chez le psy, vidé des brumes noires qui hantent mon cerveau.
J’ai essayé d’arrêter ça, mais c’est impossible.
Cela guide ma Vie et m’aide à survivre.
C’est pour moi une absolue nécessité.
Je souhaite d’ailleurs récolter du sang pour en faire des tableaux : sang à même des corps ou sang menstruel.
Les sujets qui viennent à moi, recherchent le fameux « lâcher prise ».
Ils sont dans une expérimentation inconnue de leur corps, à savoir qu’un objet va couper leur peau et s’introduire dans leur chair. Que ce soit par une aiguille ou un couteau, une lame de scalpel.
Ils sentent le sang couler sur la peau, une sensation chaude et jouissive. Puis la peur s’installe parce qu’ils prennent conscience du danger (mesuré) en voyant le sang couler au sol, entre leurs jambes.
Là, à ce moment précis, je « touche du doigt » le danger, la peur, l’effroi, la solitude… À moi de les guider vers l’absolu plaisir.
Par ma bienveillance, je canalise leur peur pour en faire un plaisir, et c’est là que la magie opère, MA magie. Après toutes ces années d’expériences, je suis devenu excellent en ce domaine.
Pratiquement toutes ces personnes sont amenées à jouir au sens réel de la question, soit par une éjaculation, soit par un écoulement de cyprine très prononcé.
Certaines personnes en pleurent d’avoir touché quelque chose d’impossible, et pourtant…

Alors que je lui demandais de me confirmer qu’il acceptait que je publie son témoignage, il m’a répondu ceci :

Je suis un livre ouvert, alors pas d’hésitation. Et puis j’aime transmettre. Presque tous les 15 jours, nous allons dans un club à côté de Rennes : le Plaisir Club, où j’exprime mon art. Il y a beaucoup de monde à venir me voir, des gens du monde libertin et, étant très pédagogue, certaines personnes franchissent le pas et me demandent de leur faire des choses, souvent la fessée maîtrisée, l’électricité, mais aussi l’art de la griffure 😉

 

Douche brune : Pendant de la douche dorée, dont je peux imaginer le potentiel érotique, la douche brune m’est toujours apparue comme moins glamour. Pour ceux qui ne voient vraiment pas de quoi on parle, la douche dorée, c’est le fait d’uriner ou de se laisser uriner dessus par son partenaire.
Alors la première chose que le terme douche brune m’inspire, c’est qu’il n’est pas adapté. On devine qu’il est utilisé à dessein, pour faire un parallèle devant/derrière, mais vraiment, j’ai toujours plus pensé à une lapidation qu’à une douche, si vous me passez l’expression. Ou alors, ce serait possible avec une consommation conséquente de jus de pruneaux, ou en profitant des désagréments d’une diarrhée aiguë.
J’écris ces quelques lignes avec le sourire aux lèvres, vous l’aurez compris. Mais il est vrai que ce terme, sorti d’un contexte qui pourrait l’expliquer, comme l’aspect cérébral d’une relation, m’a toujours laissé froid.

 

Gates of Hell (homme) : Je ne connaissais pas ce terme avant de rédiger cet article. Il s’agit d’un harnais assez lourd de l’appareil génital masculin, dont je vous laisse une illustration.

KTB : Je vous laisse imaginer ce que ce genre d’instrument permet, notamment pour réguler les velléités érectiles d’un organe par essence difficile à contrôler.

Hypnotisme : J’ai du mal à voir ce qu’il peut y avoir d’excitant là-dedans. Mais c’est probablement parce que je suis hermétique à l’hypnotisme.

 

Lutte : Là, au contraire, je vois bien ce qu’il peut y avoir d’intéressant, aussi bien en tant que spectateur qu’en tant que lutteur. Dans le cadre d’un jeu où tout le monde est consentant, contraindre son partenaire par la force, cela doit avoir un peu la même saveur que de le contraindre par des cordes, avec la proximité des corps en plus.

 

Restriction du sommeil : Alors là, je donne ma langue au chat. C’est scénarisé ? Ou bien est-ce que c’est une vraie privation ? Quel intérêt peut-il y avoir à se retrouver avec un partenaire de jeu assommé de sommeil ? Franchement, je ne vois pas. Pouvez-vous m’éclairer dans les commentaires ?

 

Scène de prison, médicale, religieuse : Ces mises en scènes m’ont toujours fait sourire. Je n’ai jamais aimé me déguiser, et ces jeux de rôles grandeur nature me donnent toujours l’impression de participer à un grand carnaval. J’ai du mal à imaginer que ça puisse participer à un cadre cérébral, alors que c’est précisément fait pour cela. Cela dit, c’est une limitation qui m’est propre, car ça a l’air répandu. Je me souviens notamment avoir lu des scènes de ce genre sur le site de Salomé et Mastermind, qui n’existe plus.

 

Se faire donner à une autre personne dominante (base permanente) : Cette pratique me paraît difficile à mettre en œuvre en restant dans le cadre d’une relation réellement consentante, car le consentement est forcément lié à une personne que l’on choisit. Or s’il s’agit d’un don au sens propre, alors la personne donnée ne choisit pas à qui elle l’est. Elle ne peut donc pas être consentante. Si elle ne l’est pas, alors il ne s’agit pas de BDSM, il s’agit d’esclavage, et ce n’est pas ce dont on parle dans un questionnaire de soumission.
À l’inverse, si elle est consentante, alors c’est qu’il ne s’agit pas vraiment d’un don, car elle est forcément au courant de qui il s’agit, et elle approuve. En quelque sorte, elle choisit de suivre quelqu’un qu’on lui a présenté.
Après, on pourra me dire que je chipote, et qu’il s’agit de mise en scène, mais j’ai bien peur que non. L’intitulé de la pratique laisse peu de place au doute. Il ne s’agit pas d’un partage, et pas d’échangisme non plus.

 

Servir de cendrier : C’est une pratique que je trouve à la fois trop dégradante et potentiellement blessante, même si je comprends le côté cérébral pour les dominants comme pour les dominés. Je ne l’aime pas, c’est quelque chose qui me rebute, mais c’est un avis personnel qui ne doit pas être pris pour un jugement de ceux qui apprécient ça.

 

Servir de toilettes : De la façon dont je me l’imagine, il s’agit pour le dominé de recevoir et d’avaler. C’est une pratique dont j’ai déjà discuté avec quelques-unes de mes interlocutrices. Je me souviens en avoir discuté avec une jeune femme sur internet, dont le fantasme – ou la réalité, on ne sait jamais – était de séduire suffisamment un soumis jusqu’à ce qu’il accepte ça. Ensuite, elle le rejetait. Même si je peux comprendre la tentation, pour certains dominants, d’humilier leur partenaire à ce point, c’est quelque chose qui ne correspond pas à ma sensibilité. Cela me rebute.

 

Pour faire cette liste, j’ai choisi les pratiques qui me parlent le moins pour mettre en lumière une chose essentielle. Échanger à propos des pratiques que l’on apprécie, c’est toujours agréable, mais celles que l’on n’apprécie pas ou que l’on ne comprend pas, sont susceptibles d’aider à mieux se connaître. J’ai envie de dire qu’elles sont d’autant plus importantes, parce que c’est quand on se confronte à ce qu’on n’aime pas que l’on peut appréhender nos limites. Or c’est elles que ce questionnaire doit aider à identifier en priorité, afin que les jeux ultérieurs ne tournent pas au vinaigre.

 

Les liens

 

– Le site de Valmont : https://cercleo.net/

– Son profil Facebook : https://www.facebook.com/Valmont.cercleO

– Lien vers le dispositif Gates of Hell : https://www.adameteve.fr/dispositif-de-chastete-en-cuir-strict-gates-of-hell-p-21622/

– Lien vers l’accessoire KTB : https://shop.morgane-folies.com/bracelet-de-controle-acier-les-dents-de-kali-36-pointes-extreme.html?options=cart&product_type=simple

 

Notre histoire :

 

La série Maître et soumise, leur histoire est un double roman BDSM, raconté pour l’un du point de vue du maître, et pour l’autre du point de vue de la soumise. Elle se compose de 4 tomes dont 2 sont déjà parus :

 

Ma soumise, mon amour, Tome 1 (septembre 2022)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0BDMWCYR6/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494242002/

 

Mon Maître, mon amour, Tome 1 (juin 2023)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0C9H2GYK9/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494243009/

 

Ma soumise, mon amour, Tome 2 sortira en décembre 2023
Mon Maître, mon amour, Tome 2 sortira en juin 2024.

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