Steve Haldeman

Les Patientes, de Hugo Trauer

Les Patientes, de Hugo Trauer

Vous pouvez lire l’article, ou le découvrir en version audio avec le lecteur ci-dessous. Il est également disponible en vidéo sur ma chaîne YouTube (lien dans le menu), et prochainement sur toutes les plates-formes de Podcast.

Les Patientes est un roman de Hugo Trauer, publié par les Éditions Blanche en 2004.
Je ne sais plus qui me l’avait conseillé, mais alors que j’avais entamé la rédaction de Ma soumise, mon amour, c’est son synopsis qui m’avait attiré. J’y avais vu une source d’inspiration pour la création d’un personnage important de mon roman. Et je n’ai pas été déçu !

Car Les Patientes, sous-titré « Les carnets secrets d’un psychanalyste » est présenté comme la compilation des notes d’un thérapeute réputé, spécialisé dans le suivi des « femmes sujettes à des délires et à des rites masochistes ».
La préface, de Jean-Paul Brighelli, explique par le détail qu’Hugo Trauer était son ami, et qu’après son décès, il aurait été contacté par le notaire du disparu. Celui-ci lui aurait légué ses notes, lui confiant la tâche de les mettre en forme dans le but de les publier.

Le roman se compose de chapitres ayant pour titres le prénom des femmes en question. Chaque partie raconte les entretiens qu’Hugo Trauer aurait eus avec elles, et comment elles lui auraient confié leurs expériences masochistes. Parmi ces témoignages, certains sont plus durs que d’autres, car l’histoire de certaines de ces femmes finit mal.

Je l’ai donc lu cet ouvrage avec intérêt, aussi bien parce que ça m’a aidé dans ma propre démarche d’écrivain, que parce que ce livre est bien écrit, et agréable à lire. L’auteur a une fort jolie plume, mais il y a un problème : l’histoire est fausse. Du moins, à ce que m’en a raconté l’auteur, que j’ai pu contacter, elle n’est pas entièrement vraie.

Autopsie d’un mensonge

L’auteur de la totalité du roman est Jean-Paul Brighelli. Hugo Trauer est son pseudonyme. Et c’est bien un roman et pas une compilation de comptes rendus remaniés.
Je m’en suis aperçu suite aux recherches que j’ai faites à l’occasion des articles que j’ai écrit à propos du roman Dolorosa soror, et de son auteur Florence Dugas.
J’avais trouvé, sur internet, un article du blog Auroraweblog consacré au roman qui nous occupe aujourd’hui. Dans cet article fouillé, daté du 20 mars 2004, son auteure avait conclu, après une lecture minutieuse, qu’Hugo Trauer, Jean-Paul Brighelli et Florence Dugas n’étaient peut-être qu’une seule et même personne.
Mais dans un commentaire de cet article daté du 16 novembre 2004, Jean-Paul Brighelli avait lui-même réfuté cette hypothèse. C’était pourtant vrai, mais il m’a expliqué qu’à ce moment-là, il ne voulait pas que ses écrits érotiques interfèrent avec ses autres activités.
En effet, Jean-Paul Brighelli est un universitaire agrégé de Lettres modernes, auteur prolifique de plusieurs ouvrages comme La fabrique du Crétin, une critique de l’éducation nationale. Par ailleurs, il a été décoré de la Légion d’honneur en 2009.
Compte tenu des esprits étroits qui n’auraient pas manqué de lui reprocher ses écrits érotiques, il est compréhensible qu’il n’ait pas voulu en faire la publicité.
Depuis, il a lui-même modifié l’article Wikipédia qui lui est consacré, pour rétablir « sa » vérité.
À la partie Publications, à la dernière ligne, on peut trouver la mention « Les Patientes », avec une explication concernant la façon dont il a inventé le pseudonyme Hugo Trauer.
Je suis convaincu que Jean-Paul Brighelli est bien l’auteur de ce roman, d’autant plus que Franck Spengler, son éditeur, me l’a confirmé. Mais si j’ai dit qu’il avait rétabli « sa » vérité, c’est parce qu’il a ajouté d’autres informations, comme le fait que Florence Dugas soit également son pseudonyme, et qu’il soit aussi l’auteur du roman L’étudiante, la suite du Lien, de Vanessa Duriès. Et en ce qui concerne ces deux affirmations, à l’heure actuelle je ne saurais confirmer ses dires. D’autant que dans le même paragraphe, il accuse Franck Spengler de supercherie. Or Franck ne m’a pas donné la même version que lui. Qui a raison et qui a tort ? L’avenir nous le dira peut-être.

En tout cas, une chose semble sûre, c’est que la préface des Patientes est inventée de toutes pièces.

Un problème éthique

Que Jean-Paul Brighelli ait eu envie d’écrire un roman érotique sous pseudonyme, c’est une décision qui lui appartenait entièrement, et qui ne pose aucun problème.
Mais là où je suis plus critique, c’est sa façon de présenter cette histoire comme issue des carnets d’un psychanalyste qui n’a jamais existé. D’autant que l’auteur a préfacé son propre livre sous son vrai nom, en décrivant en détail les circonstances dans lesquelles il aurait reçu les carnets de son soi-disant ami, qui aurait été un vrai psychanalyste. Cette information a forcément impacté les lecteurs.
Cela tend à donner à son ouvrage une légitimité fallacieuse, qui a forcément incité les gens à acheter son livre, moi le premier.
Cela dit, à la lecture des Patientes j’avais eu des doutes, que le blog précité résume très bien :

Les Patientes «  est un beau roman envoûtant, c’est ainsi qu’il faut le lire et non comme un traité de psychanalyse. D’ailleurs, là, le livre ne tient pas la route, les réflexions que se fait Trauer notamment sur certains diagnostics doublés d’un jugement de valeur ne se dérouleraient pas ainsi dans la réalité du « divan ». De la même manière, le « quotidien » d’un analyste ne serait pas consigné dans des « carnets » cliniques comme il est décrit ici. »

Qui plus est, j’avais trouvé que même en changeant les prénoms des femmes concernées, il aurait été parfaitement immoral de contrevenir au secret attendu par les patientes d’un psychanalyste.

Il me semble qu’un auteur devrait être honnête avec ses lecteurs. Et je n’ai pas la sensation que ça ait été le cas avec Les Patientes.
Cela dit, et pour être le plus objectif possible, je dois dire que l’auteur a laissé quelques indices qui invitent tout de même à douter. En particulier, une note de bas de page indique que le dernier chapitre avait déjà été publié dans un recueil de nouvelles en 2000. Ce qui laisse sous-entendre que le roman tout entier n’est pas issu des notes d’un psychanalyste. Mais que vaut une note de bas de page à côté d’un synopsis trompeur bien plus visible ?

La version de Jean-Paul Brighelli.

J’ai échangé quelques mails avec Jean-Paul Brighelli.
Quand je lui ai demandé ce qu’il pouvait me dire de son roman, il m’a répondu ceci :
 » Les Patientes est un recueil de situations vécues tout au long de ma vie, dont les ressorts sont la culpabilité et le masochisme inhérent. D’où le côté freudien (y compris dans le titre) de l’ensemble.« 
Cette phrase donne à voir son roman autrement, et lui donne un côté réaliste, voire autobiographique, qui rattrape et explique en partie le mensonge initial.
En tous les cas, ce roman reste pour moi un bon livre, intéressant, et que je continue de conseiller. Simplement il faut le lire en connaissance de cause.

Pour finir, je tiens à remercier Monsieur Brighelli pour les réponses qu’il m’a données. Je l’en remercie d’autant plus que ce que je lui disais n’était pas agréable à lire, et qu’il aurait pu m’ignorer. En particulier, lors de mon premier message, je m’étais avancé à écrire des affirmations au sujet de Florence Dugas sans preuve, et à en faire la publicité, comme il l’a précisé dans son article Wikipédia. Il y mentionne nos échanges d’ailleurs, et cela m’a fait sourire, car pour un écrivain en devenir comme je le suis, être cité dans cette encyclopédie, c’est déjà une forme de reconnaissance !

Depuis que j’ai commencé la rédaction de cet article, Jean-Paul Brighelli a publié un article intéressant sur son blog, qui donne de plus amples explications sur la genèse de certains de ses écrits érotiques. Le lien est en bas de page.

 

Liens

 

– L’article d’Auroraweblog : http://auroraweblog.karmaos.com/post/283
– Page wikipedia de l’auteur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Brighelli
– Article de l’auteur sur son blog : https://blog.causeur.fr/bonnetdane/florence-dugas-ou-comment-jai-ecrit-certains-de-mes-livres-4656

 

Notre site : https://stevehaldeman.com/

Notre histoire :La série « Maître et soumise, leur histoire » est un double roman BDSM, raconté pour l’un du point de vue du maître, et pour l’autre du point de vue de la soumise. Elle se compose de 4 tomes dont 2 sont déjà parus :

Ma soumise, mon amour, Tome 1 (septembre 2022)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0BDMWCYR6/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494242002/

Mon Maître, mon amour, Tome 1 (juin 2023)
– version e-book : https://www.amazon.fr/dp/B0C9H2GYK9/
– version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494243009/

Ma soumise, mon amour, T2 sortira en décembre 2023
Mon Maître, mon amour, T2 sortira en juin 2024.

Ils sont également disponibles en version papier et e-book, dans toutes les bonnes librairies (en ligne ou en magasin) avec des couvertures différentes, les originales ayant choqué la morale.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *