Les romans Harlequin
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En mars 2008, alors que je venais de commencer l’écriture de mon premier roman, que j’avais appelé temporairement Dominant, mon épouse et moi avons pris une semaine de vacances en Espagne.
Nous sortions alors de deux années de création d’entreprise qui se révélaient tout juste fructueuses. Comme il fallait encore que nous fassions très attention à notre budget, nous avions pris une location bon marché, dans le petit patelin de Los Urrutias, au nord de Carthagène. Nous avions envie de changer d’air après deux années de travail non-stop, et nous sommes partis un peu à la va-vite, sans prendre le temps de chercher mieux.
En arrivant, nous nous sommes retrouvés dans un appartement un brin étroit, à la décoration datée. En plus, en Espagne, il faut croire que l’isolation thermique n’est pas la priorité des promoteurs. Or en cette fin de mois de mars, cette année-là en tout cas, il ne faisait pas très chaud.
Nous avions mis tout notre budget dans le logement, la location de la voiture et les billets d’avion, il ne nous restait donc pas de budget pour nous divertir. Sur place, à part visiter Carthagène, nous n’avons pas pu faire grand-chose. D’autant que le soir, Los Urrutias n’était pas un endroit extraordinairement vivant. Nous étions donc un peu désœuvrés.
Après le dîner, invités à nous réfugier sous les couvertures par la fraîcheur du climat, nous en sommes venus à regarder les quelques livres de la petite bibliothèque. Il y en avait un en français, un Harlequin. Et oui, je m’en suis aperçu par la suite, les livre de la maison Harlequin, on les repère vite, notamment à leur logo qui ne passe pas inaperçu, du fait qu’il est mis en avant beaucoup plus que chez n’importe quelle autre maison d’édition. De plus, le bandeau de la collection squatte 20% de la couverture ! De ce fait, on n’a pas l’impression d’avoir le roman d’un auteur en particulier dans les mains, mais bien un Harlequin.
Des Harlequin, je n’en avais jamais lus. Pour moi, c’étaient des romans de supermarché, que j’imaginais de qualité médiocre. D’ailleurs, la couverture n’était pas très engageante, elle nous a même fait sourire. Cela sentait le roman à l’eau de rose à plein nez, bourré de clichés et de facilités scénaristiques.
Mais en dehors d’une autre activité propre à nous réchauffer, nous n’avions que ça à faire. Et comme il n’y avait qu’un livre pour deux, nous avons commencé à le lire à haute voix, à tour de rôle.
Ce roman, Les lois du cœur, de Margot Dalton, nous l’avons lu entièrement.
Il s’est avéré qu’il s’agissait effectivement de littérature facile, et les clichés nous ont amusés à plusieurs reprises. En particulier, les yeux mordorés du beau héros nous ont bien fait rire.
Du fait de cette lecture particulière et des circonstances, Rose et moi nous souvenons encore, quinze ans plus tard, de la belle Jenny McKenna et du magnifique Clay Anderson. Oh mon dieu ! Rien que d’y penser, je suis tout en émoi !
Bon, cela dit, au-delà de la plaisanterie et avec le recul, j’ai tout de même trouvé une qualité à ce roman. Il était efficace ! La couverture est tout ce qu’il y a de plus honnête. On sait qu’on va trouver une romance facile et c’est exactement ce que le livre contient. Une couverture qui tient ses promesses, c’est déjà une réussite !
Ensuite, pour l’écrivain en herbe que j’étais alors, la réussite, le talent et la bibliographie de Margot Dalton invitait à la retenue et au respect. Alors qu’à ce moment-là je n’étais même pas certain d’aller au bout de mon histoire, je trouvais que la plume de cette auteure était diablement efficace.
En rentrant en France, et afin d’en apprendre un peu plus, j’ai écumé un vide grenier où j’ai raflé tous les Harlequin que j’ai trouvés, pour une bouchée de pain. J’en ai lu une dizaine en un rien de temps, et j’ai mieux compris de quoi il s’agissait.
Les Harlequin, du moins les romances que j’ai lues, sont à peu près tous construits sur le même modèle. Les noms et les lieux changent, mais en fin de compte, vous avez systématiquement la même intrigue. Il s’agit toujours d’une jeune femme qui va succomber malgré elle au charme ravageur d’un mystérieux, mais bien intentionné, héros. S’il est un poil macho et dominant, vous avez le tiercé dans l’ordre !
Dans ces histoires, le nombre de héros ou d’héroïnes amnésiques est extravagant, et vous n’avez pas idée à quel point les hommes ont tous les yeux mordorés !
Cela dit, et même si ça me fait sourire, je reconnais que ces livres ont un réel intérêt. Ils sont vraiment divertissants. Même si je n’en ai plus lu et que je ne pense pas recommencer un jour, je ne renie pas le plaisir que j’ai éprouvé à les parcourir. Et puis pour les adolescents et les adultes qui ne lisent que ça, je dirais que c’est toujours mieux que rien. Je pense que lire est essentiel, et ces histoires-là ont le mérite d’être accessibles.
Pour terminer cet article, je vous soumets cette réflexion personnelle. Je pense que Harlequin est une maison d’édition qui pourra vite se passer d’auteurs. Il est fort probable que le plan stéréotypé de leurs romans soit rapidement reproductible par les intelligences artificielles, si ce n’est pas déjà fait.
Mon livre : Ma soumise, mon amour, T1
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