Steve Haldeman

Soumise, de Salomé

Vous pouvez lire l’article, ou le découvrir en version audio avec le lecteur ci-dessous. Il est également disponible en vidéo sur ma chaîne YouTube (lien dans le menu), et prochainement sur toutes les plates-formes de Podcast.

J’ai lu ce livre il y a quelques années, alors que j’avais commencé la rédaction de Ma soumise, mon amour. Je l’avais acheté avec un certain nombre d’autres, afin d’élargir ma culture de ce type d’œuvres qui traitent des relations de domination et du BDSM. Pour moi, il s’agissait d’être crédible et de m’assurer que ma façon de voir les choses n’était pas déjà exprimée. J’aurais trouvé inutile de mettre en lumière un point de vue banal.

 

Honnêtement, je n’ai pas un souvenir ému de ce livre. Il ne fait pas partie de ceux que j’ai lu par envie, en ne le tenant que d’une main par exemple. Il ne fait pas non plus partie de ceux dont je me souviens dans les moindres détails. Des détails, pourtant, j’en ai retenu un certain nombre.

Autant le dire tout de suite, il y a dans ce livre des passages qui peuvent rebuter la morale, et des pratiques que je trouve hard. Du moins, c’est mon ressenti.

Et puis surtout, ce n’est pas un roman. C’est une compilation des lettres que Salomé, l’auteure, et Jean-Pierre, son Maître, ont échangées depuis leur rencontre, jusqu’au moment où Salomé décide de les rendre publiques. Et ces échanges épistolaires, je les ai trouvés moins agréables à lire qu’un roman, forcément mieux construit.

 

Il y a autre chose qui m’a poussé à acheter ce livre, c’est le fait que ce couple avait une certaine notoriété, et qu’il avait l’air connu de la communauté BDSM française, et peut-être au delà. Il possédait un site internet qui, a priori, n’existe plus. Du moins, je ne l’ai pas retrouvé. En cherchant des informations pour les besoins de cet article, j’ai déniché une explication sur le blog lafilledemars.weebly.com. Dans un commentaire daté du 7 septembre 2017, une certaine Giffard Annie annonce que Jean-Pierre est décédé. Je suis désolé de l’apprendre à ceux qui n’étaient pas au courant.

 

Mais revenons à ce livre. Il y a une autre raison pour laquelle je ne l’ai pas particulièrement apprécié.

Le Maître de Salomé, JP, signe certaines de ses lettres du pseudonyme Mastermind, et s’adresse à elle en l’appelant parfois Ma p’tite nana d’amour, ou en lui donnant d’autres surnoms affectueux. Elle, de son côté, commence souvent ses lettres par Mon seigneur et Maître.

J’imagine bien qu’entre eux, ce sont des surnoms qui n’ont rien de ridicule. Je sais bien qu’ils servent à entretenir un état d’esprit, une atmosphère à laquelle ils semblaient beaucoup tenir. Mais cette façon d’exposer leur univers au grand jour m’a parue quelque peu impudique, et c’est une impression qui m’a poursuivi tout au long du livre. Pour cette raison, et pour les précédentes, je n’ai pas lu ce livre avec plaisir. Cela dit, c’est évidemment un ressenti personnel, et les livres n’ont pas pour seule fonction de nous divertir.

Passons donc à ce que j’ai trouvé d’intéressant dans Soumise, et les raisons pour lesquelles je vous en parle.

D’abord, les lettres sont bien écrites. Le style, aussi bien de l’auteure que de son Maître, est agréable à lire. Cela a, en partie, pris le pas sur les défauts que j’ai cités plus haut.

Mais surtout ce qui fait qu’il faut lire ce livre, c’est le fond.

Soumise commence par une explication sincère des raisons pour lesquelles elle est comme elle est. Et on comprend très vite que rien ne nous sera épargné. Quand elle rencontre son Maître, qui ne l’est pas encore, elle ne lui cache rien de son mal-être, de ses vices et de son addiction. En commençant Soumise, on embarque pour un voyage où il y aura « l’horreur et le sublime, le sordide et le merveilleux.« 

Salomé a besoin d’être soumise, et c’est à ce besoin que JP va répondre. Et il va en faire sa soumise autant qu’elle en a besoin. Dans ces lettres on découvre leur vie, leur parcours, les pratiques, la codification de leur relation.

Il va la pousser, autant qu’elle va le pousser d’ailleurs. Car Salomé n’a rien de la femme servile et sans âme que les non-initiés peuvent imaginer. Elle a beau attendre de lui qu’il la dirige, la modèle et qu’il soit ferme, elle sait aussi lui dire quand elle estime qu’il se trompe, ou quand elle pense que ses agissements peuvent mettre en péril leur couple.

Je me souviens notamment de ce passage où Mastermind prend sous son aile une autre soumise, et se sert d’elle pour mieux dresser Salomé. A ce moment, elle est parfaitement capable de lui expliquer ses doutes, son sentiment sur la situation, et les risques qu’elle voit se profiler à l’horizon. En dépit du fait qu’elle l’appelle Seigneur et Maître, elle ne le prend ni pour quelqu’un d’omniscient ni pour quelqu’un d’omnipotent.

 

Et puis il y a une sincérité palpable, une honnêteté qui vaut de l’or dans ce livre.

Les romans narrent le plus souvent des fantasmes, et même s’ils sont autobiographiques, ils proposent une histoire qui a été mise en forme, qui ne parle que du sujet que leurs auteurs veulent aborder. Alors qu’avec Soumise, on est loin de tout ça. C’est l’exposé de sa vie, avec les doutes, les faiblesses, les questions qui se posent, les difficultés du couple, l’enfant aussi, les joies, les plaisirs, les peines, les soucis d’argent. Les lettres donnent l’impression d’ouvrir un album de famille, de pouvoir entrer dans son quotidien.

Il n’y a pas de mise en valeur particulière. Soumise, c’est la réalité crue d’un couple à part. Si vous voulez savoir ce que c’est que de vivre une vie différente, de Maître et de soumise, c’est exactement le livre qu’il vous faut.

Et c’est particulièrement vrai pour ce qui concerne les pratiques « extrêmes ». Ce sont celles qu’on peut avoir le plus de mal à comprendre. Celles qui choquent le plus, précisément parce qu’elles ne sont pas communes. Celles qui nous amènent le plus souvent à mal juger ceux ou celles qui s’y adonnent ! Quand on ne comprend pas et que notre intuition ne nous aide pas à saisir ce qu’il peut y avoir d’intéressant ou d’excitant, on a vite fait de traiter ceux qui pratiquent de pervers, avec toute la connotation négative qui y est associée.

 

Et c’est la grande force de Soumise. Par exemple, c’est un des rares endroits où vous pourrez lire ce que ça fait d’être prise par un chien. Salomé est la seule que je connaisse qui aura osé l’écrire. Quand vous aurez lu son livre, vous saurez un peu plus de quoi vous parlez.

Personnellement, je n’aime pas les chiens, et c’est une pratique qui ne me viendrait pas à l’esprit, mais pour ceux que ça écœure et qui voient la zoophilie comme une perversion dégoûtante, je vous invite à relativiser. En effet, on se dit souvent que la zoophilie est une pratique de malades mentaux, et que rares sont ceux ou celles qui offrent l’un de leurs orifices à un chien. Pourtant, je suis sûr que vous avez déjà vu quelqu’un se laisser lécher la bouche par son animal de compagnie, or la bouche, c’est un orifice… Cela m’écœure toujours autant de voir ça, et pourtant j’en connais qui font ça tous les jours. Alors pourquoi juger si mal ceux qui veulent trouver du plaisir avec leur chien, alors qu’on ne pense rien de mal de ceux qui font tout pour attraper un bouton purulent sur la lèvre…

 

Personnellement, j’éprouve une forme de reconnaissance envers Salomé. A travers son livre, elle m’a permis d’en apprendre plus sur ce que cela peut être d’avoir des envies, des pulsions et des besoins différents. Et dans son domaine, rares sont ceux qui osent parler à visage découvert.

Ce livre est une invitation à mieux comprendre les autres, et à mieux se comprendre soi-même. En mettant en lumière un comportement extrême, Salomé nous invite à nous remettre en question, à voir des choses que nous ne voulons pas, ou que nous ne pouvons pas voir habituellement.

Mon épouse m’a dit que c’est un livre auquel elle pense régulièrement, et qui la dérange. Et quelque part, je trouve ça magnifique. Un livre qui dérange et auquel on pense, c’est un livre qui fait le travail. Un livre qui a sa place sur les étagères d’une bibliothèque.

 

Lien vers l’article mentionné : https://lafilledemars.weebly.com/oulonparledearticles/-rendons-a-master-mind-ce-qui-est-a-salome

 

Mon livre : Ma soumise, mon amour, T1

version numérique : https://www.amazon.fr/dp/B0BDMWCYR6/

version papier : https://www.amazon.fr/dp/2494242002/

1 réflexion sur “Soumise, de Salomé”

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